Un mini bateau pour de grands rêves : partie 2 - la Mini Fastnet
- arthurpenet
- Aug 4, 2017
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Un jour d’avril 2016, sur l’heure de midi, je suis au volant de ma voiture entre Concarneau et Port-La-Forêt, sur le chemin du travail, chez Mer Agitée où je participe au refit d’un voilier de course de 60 pieds : SMA. Le téléphone sonne. Je passe en main libre et décroche. C’est mon ami Stan. On se connaît depuis seulement quelques mois mais on a bien accroché. Stan s’est lancé il y a quelque temps dans un projet Mini Transat, c’est-à-dire qu’il va bientôt traverser l’Atlantique en solitaire et en course sur un bateau de 6.50m… rien que ça !
« Salut Arturo ! Ça te dirait de faire la Mini Fastnet avec moi ?! ».
Alors là il faut que je vous explique. Ce que Stan est en train de me proposer c’est une course en double (seulement 2 marins à bord, comme la course que j’ai déjà faite avec mon ami Luc). Sauf que la course en question part de Douarnenez en Bretagne et se termine à Douarnenez…en Bretagne… mais entre les deux, on doit aller jusqu’au phare du Fastnet, en Irlande, à environ 300 milles nautiques, soient 555km !

Vous avez bien compté, ça fait 600 milles l’aller-retour donc 1100km environ…
« …euh… oui ! » je réponds.
Waw… J’en rêvais… sans trop oser non plus… et là ça y est c’est du concret, je vais la faire, et avec quelqu’un que j’apprécie beaucoup : mon pote Stan ! Ce que j’aime bien chez Stan, c’est qu’il ne se prend pas au sérieux, et pourtant son bateau doit être le plus préparé/organisé/sécurisé/nettoyé/beau de la flotte mini ! Sans déconner ! Stan passe des heures et des heures à faire tout le matelotage (préparation des cordages à bord) : épissures, manilles textiles, enzymage, bloqueurs textiles constrictor, l’électricité flambant neuve, la pile à combustible, etc. et j’en passe ! Stan a pensé à tout et a pris le temps de tout vérifier, optimiser, refaire, par lui-même ! Pour info le bonhomme en question est assistant-réalisateur dans l’industrie du cinéma… rien à voir ! Il a dû en apprendre des choses en faisant tout cela. C’est exactement cet état d’esprit que j’aime beaucoup chez Stan et dans l‘aventure Mini transat.
Bref, dimanche 19 juin, 19h nous prenons le départ de la Mini Fastnet édition 2016 côte-à-côte avec 57 concurrents.

Nous coupons la ligne un peu en retard, mais l’allure de prêt qui nous fait sortir de la baie de Douarnenez est favorable à notre étrave pointue et nous récupérons quelques places. Une grosse concentration de Minis a lieu à la dernière bouée avant la sortie de la baie, et nous manquons d’être percutés par un concurrent qui nous refuse une priorité tribord. Je suis à la barre à ce moment-là et c’est Stan, sous le vent qui me crie « Arthur ! Vire ! Maintenant ! ». Je pousse la barre et découvre le bateau concurrent à seulement quelques centimètres de notre coque. La bouée passée, commence une longue soirée puis nuit de descente sous le vent dans 25 nœuds environ à travers le chenal du Four et ses dangers multiples (rochers, îlots, bouées,…) puis à travers la Manche. C’est sous Gennacker que nous déboulons à 13-14 nœuds de moyenne environ avec des pointes à 16kts ! Une fois sortis du chenal du Four, nous commençons les quarts et Stan dans sa combinaison étanche commence la première veille pour la traversée de la manche. Quand je me réveille, c’est déjà le matin et on voit au loin Wolf Rock ! J’ai dormi beaucoup trop longtemps ! haha !
Pendant la nuit, quelques concurrents ont talonné, c’est-à-dire que leur quille a heurté quelque chose sous l’eau, très vraisemblablement une roche, et ils ont dû abandonner la course et s’abriter dans le port le plus proche avant de perdre leur quille et risquer de chavirer.

Pour nous tout va bien, Stan es au taquet, moi aussi après ma looongue nuit de sommeil. Et nous entamons la montée depuis l’archipel des Silly jusqu’à l’Irlande qui durera encore presque 2 jours. Comme la météo annonçait un vent virant progressivement du Nord-Ouest à l’Ouest, nous décidons de rester avec un cap au nord, en naviguant bâbord amure à 35° du vent apparent environ et en tournant progressivement avec le vent en faisant ce qu’on appelle « une cuillère » pour arriver sur la bouée à contourner pour éviter les dangereux éperons rocheux de Staggs Rocks. Nous passons donc tout proche de la côte irlandaise avant de viser enfin le phare du Fastnet. Assez rapidement, nous longeons la côte verdoyante de l’Irlande du sud et les falaises majestueuses de Castle Haven nous émerveillent.

L’ambiance à bord est excellente, au niveau de la bouée en question, nous retrouvons quelques concurrents, certains au loin devant, que nous nous mettons en tête de « chasser » pour les laisser derrière, et d’autres à seulement quelques dizaines de mètres derrière nous !!! A la radio, blagues avec les copains retrouvés, musiques irlandaise à fond, Stan sort son harmonica. Malgré la distance parcourue et les choix de routes variés, c’est incroyable de retrouver les copains !
La remontée de la bouée au phare du Fastnet nous est très favorable à nouveau car nous naviguons très prêt d’un vent relativement faible et nous regagnons du terrain sur bon nombre de concurrents, dont certains que nous finirons par dépasser.
Plus tard dans la nuit… enfin nous y voilà ! Le fameux phare du Fastnet Rock nous illumine par intermittence et nous célébrons ce passage avec Stan. Puis une longue descente au portant dans un vent toujours relativement faible nous conduira au large, à l’Ouest de la Bretagne.
Dans le GPS du bateau nous avons entré les coordonnées des points de passage du parcours et après avoir passé le Fastnet, je rentre le phare de la Jument comme point de passage en me disant, que ça va nous permettre de contourner l’île et ses dangers par le sud comme indiqué dans les instructions de course. On en parle avec Stan et on valide sans se rendre compte qu’en faisant ce choix-là, nous avons oublié que sur les cartes marines apparaît un DST (Dispositif de Séparation de Trafic) qui est une zone interdite aux voiliers en course afin de ne pas gêner les nombreux cargos qui transitent. Nous découvrirons notre erreur en mettant le pied à terre le lendemain soir… Nous coupons donc franchement le DST en croisant pas mal de cargos mais sans nous inquiéter outre mesure.
Le passage du phare de la Jument est terrible ! Le courant est contre nous, à 5 nœuds à certains endroits, et le vent n’est toujours pas très fort. Nous avançons à 1 ou 2 nœuds par rapport au fond… Ce n’était pas un bon choix du tout !
Malgré cela nous avançons progressivement et arrivons dans la baie de Douarnenez dans la soirée. Dans la dernière ligne droite à travers la baie qui dura quelques heures, notre ami Etienne nous talonne, sous spi et se rapproche. Stan est tellement content d’arriver qu’il n’essaie pas de garder notre avance. Mais c’est plus fort que moi, je règle les voiles au mieux, je descends dans le bateau pour déplacer les bouteilles d’eau, les sacs, et tout ce qui peux servir à bouger le centre de gravité du bateau pour maintenir la coque bien à plat et diminuer sa résistance dans l’eau. Cela fonctionne et nous restons devant. Nous coupons la ligne après un sublime coucher de soleil sur le cap de la chèvre.

Heureux et fatigués, nous avons la surprise d’être accueillis par les parents de Stan et tous mes amis et de Concarneau ! Camille, Capucine, Louis, Clément, Hugo ont fait la route depuis Concarneau et sont là pour fêter l’arrivée avec nous ! C’était une belle surprise ! Merci les amis !
Epilogue
Quelques jours plus tard, Stan est convoqué par la direction de course à cause de notre route à travers le DST. Sa peur, c’est d’être disqualifié pour cette erreur et donc de ne pas valider les milles parcourus, indispensables à sa qualification pour la Mini Transat 2017. Finalement, le jury est clément et nous impose une lourde pénalité qui nous place derniers au classement mais nous restons en course et Stan valide ses 600 milles nautiques.
Quelle expérience incroyable j’ai vécue sur cette course ! Barrer seul le bateau pendant que Stan dort ; faire confiance à Stan pour aller dormir et lui laisser les commandes ; choisir notre route ; changer de voile au bon moment ; régler le bateau au mieux ; régler le pilote automatique pour qu’il barre mieux que moi ! J’ai appris tellement de choses pendant cette traversée ! Merci Stan pour ta confiance et pour les bons moments passés ensemble sur ton fier Mini !
Dimanche 6 août 2017, je vais retourner voir le phare du Fastnet, cette fois-ci en participant à la fameuse Rolex Fastnet race, au départ de Cowes en Angleterre, à bord de Night Owl II et mon cher équipage anglais ! Mais ceci est une autre histoire, que je vous partagerai plus tard.
Je vous laisse regarder le résumé vidéo de la course fait par Stan. En attendant, je file sur le bateau. On prend le départ à 12h20 (heure anglaise). A bientôt !
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