Retour sur les bancs de l'école
- arthurpenet
- Mar 6, 2017
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26 septembre 2016. Jour de rentrée à l’Université de Southampton. Je n’ai pas vu la couleur des bancs de l’école depuis l’été 2012 quand j’ai été diplômé de l’Icam de Nantes. 4ans déjà ! Quatre années de voyages, d’apprentissage, de découvertes… 48 mois pendant lesquels je me suis frotté aux réalités du monde du travail.
Difficile au début de quitter la mentalité scolaire, théorique, presque abstraite du monde des études, pour plonger dans le concret de la fabrication, de la production. Dans le monde du travail il ne s’agit plus d’avoir des bonnes notes mais d’atteindre des objectifs que l’on doit souvent définir soi-même. Construire un bateau en jute ou encore mettre au point une ligne de production d’un nouveau renfort de composite au Bangladesh ; organiser et suivre au jour le jour le travail de 50 ouvriers sur le chantier du plus grand paquebot du monde à Saint Nazaire ; autant de défis passionnants et on ne peut plus concrets pour faire mûrir humainement et professionnellement ce jeune ingénieur fraichement diplômé.
Pas vraiment confortable le monde du travail ; pas confortable du tout mais tellement enrichissant ! Les difficultés surmontées, les responsabilités confiées et assumées, autant d’occasions de prendre confiance en mes capacités à faire bouger les choses, à ma manière, là où je me trouve.
…Quatre ans plus tard, me revoilà sur les bancs de l’école, avec un objectif bien précis en tête : devenir architecte naval. Je sais que ce n’est pas en un an, aussi intense soit cette année, que je vais vraiment devenir archi naval, mais je vais apprendre les concepts de base, la culture de cet univers et côtoyer des pointures dans le domaine. De belles opportunités de me former, de cibler ce qui me plait dans cette discipline et de nourrir ma curiosité intellectuelle. Quelle chance !
Au bout de quelques semaine, je déchante… on a très peu de cours par semaine… une quinzaine d’heures tout au plus… et contrairement au système français, on ne nous apprend pas grand-chose… Les enseignants chercheurs ont seulement 45 minutes par cours pour nous passer en revue les concepts et notions à maîtriser sans pouvoir rentrer dans les détails. Puis rapidement, je me retrouve avec une montagne de devoirs maison à rendre dans toutes les matières qui monopolise mes journées, soirées et week-ends, si bien que je ne trouve pas le temps de me pencher sur mes cours pour les comprendre et les assimiler comme j’aurais pu le faire avec le système français… le stress monte, la fatigue augmente et il devient difficile de trouver de la motivation et du temps pour faire du sport, prendre l’air, me changer les idées. Heureusement il y a les dimanches sur l’eau avec mon équipage, (mais c’est une autre histoire…), les sorties kitesurf de temps en temps, et les soirées avec les amis.
Même les vacances ne sont pas vraiment des vacances tellement nous avons de devoirs maison à rendre à la rentrée ! Si bien que je ne savoure qu’à moitié le fait de rentrer en France et de voir les amis, la famille, à cause de cette épée de Damoclès qui me menace tous les jours quand je pense au retour à l’Université.
Je prends alors la mesure de la décision que j’ai prise il y a quelques mois… reprendre les études… Est-ce que je me suis surestimé ? Etait-ce le bon choix ? Doute, stress, peur d’échouer… le retour à Southampton début janvier est difficile et il me faut des jours entiers de travail et même quelques nuits blanches pour arriver à bout des devoirs maison. A seulement 8 jours des examens, me voilà enfin débarrassé de tous les devoirs à rendre. Maintenant il faut préparer les exams ! Le point positif dans tout ça c’est que le travail fourni m’a permis d’assimiler et de mettre en pratique certains concepts appris depuis le début de l’année. Je progresse donc sur le chemin qui mène au diplôme !
Commencent alors les révisions pour les examens. Par chance je n’aurai que deux examens à passer pour ce premier semestre : d’une part, les « Eléments Finis » (méthodes de calcul pour dimensionner des structures et être sûr que la coque ou le mât que je dessinerai ne partira pas en miette à la première vague), et d’autre part « Yachts and High performance craft » que l’on pourrait traduire par « voiliers et navires à haute performance » ; un super cours qui permet de comprendre les notions de base pour dimensionner une coque, des voiles, et améliorer les performances d’un bateau à voile ou à moteur.
Une semaine entière à la librairie, penché sur mes cours, puis à faire et refaire les examens des années précédentes, auront raison de mon cerveau déshabitué à apprendre après 4 ans sans études. J’ai enfin du temps pour apprendre tout ce qu’on a survolé pendant les cours ! De terriblement stressante a priori, cette semaine est devenue super intéressante ! Et c’est assez sereinement que j’ai affronté mon 1er exam le vendredi 20 janvier 2017, et le second le 23 janvier. Les résultats sont tombés fin février et j’ai validé tous mes modules !
En relisant ce que j’ai vécu ces dernières semaines ; la montée d’adrénaline, le stress, les innombrables heures d’études, je me dis que si j’avais mesuré ce que signifiait reprendre les études, j’aurais peut-être renoncé. Heureusement que je ne savais pas !
Après un semestre passé en Angleterre et les premiers examens passés, je sens que j’ai enfin pris le rythme de cette année… ce n’était pas gagné d’avance ! Qu’est-ce qu’il ne faut pas faire pour réaliser ses rêves ! Je crois toujours que le jeu en vaut la chandelle et ma motivation est intacte. Maintenant, je suis habitué au système scolaire anglo-saxon et prêt à en découdre au second semestre.
La force de ce système, c’est de nous rendre acteur de notre formation. C’est à moi de discerner sur quels points je dois progresser et mettre en place les mesures pour apprendre. J’ai fini par comprendre que les cours sont davantage un moyen de nous présenter ce que l’on est sensé maîtriser. Ensuite c’est à nous d’aller à la source de l’information et de faire nos recherches. Sans aucun doute, ce système est assez proche de la réalité du monde du travail. D’un autre côté, je suis obligé par manque de temps, de choisir mes priorités et je ne peux pas aller en profondeur dans toutes les matières et c’est parfois frustrant. Ce sont les limites d’un tel système.
Je comprends à quel point le fait de savoir pourquoi je suis ici et ce que je veux faire après ce master est une force. Comme mon but est précis, je sais quelles sont les matières que je veux maîtriser et j’arrive sans mal à prioriser mon travail et à choisir les options qui m’intéressent.
Le second semestre a commencé début février… Nouveaux cours, nouvelles découvertes, des examens à la fin… et ma thèse ! Comme tout bon étudiant en master, je vais réaliser un sujet de recherche. Comme j’avais le désir de faire le lien entre l’année passée à l’atelier de Mer Agitée à Port-la-Forêt et mes études d’archi naval, j’ai demandé au bureau d’étude de Michel Desjoyeaux (Mer Forte) si cela les intéresserait que je travaille sur un sujet de recherche pour eux. Après discussion avec Mich’, Denis le directeur du bureau d’étude et les architectes navals, décision est prise de me confier l’étude du comportement d’un IMOCA de 60 pieds si on lui met des foils (les incroyables voiliers du Vendée Globe !), dans le but de dimensionner au mieux les renforts nécessaires dans la coque du bateau. Et oui ! Un bateau avec des foils va très vite, et les vagues sur lesquelles il « rebondit » créent des efforts considérables et risquent d’endommager la coque. Quel sujet passionnant pour le jeune apprenti architecte naval que je suis ! C’est concret, utile et je vais apprendre plein de choses ! J’espère être à la hauteur de la tâche et apporter des réponses. Je ferai de mon mieux !
Ce second semestre s’annonce bien. Je suis heureux des choix que j’ai posés et je me sens bien sur la voie que j’ai décidé d’emprunter.




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