Un mini bateau pour de grands rêves - Partie 1
- arthurpenet
- Mar 20, 2017
- 6 min read

Te souviens-tu du déclic qui m’a ouvert les yeux et après lequel j’ai décidé de quitter mon travail et de vivre mes rêves ? Parmi ces rêves il y avait celui de devenir architecte naval pour imaginer et construire les bateaux de demain et mettre mon empreinte dans ce monde qui me fascine tant. Mais il y avait également un autre rêve, enfoui depuis longtemps, qui hésitait à faire surface parce que « pas très conventionnel », trop fou, avec beaucoup d’inconnues et plutôt insécurisant… Ce rêve c’est de devenir un vrai marin et de me former à la navigation au large pour que le voilier puisse devenir un moyen de transport sans limites ! Alors j’ai décidé de me mettre à la plus folle école de course au large qui soit : la classe Mini !
C’est quoi la classe Mini ? C’est une catégorie de voiliers qui respectent la jauge Mini – définie les règles de dimensions et équipements des voiliers de course – et prennent tous les deux ans le départ de la Mini Transat, une transatlantique à la voile en solitaire sur un tout petit bateau de 6.50m, depuis la France jusqu’à une des îles françaises aux Caraïbes –Martinique, Guadeloupe, etc.
La classe Mini c’est un peu fou parce que quand tu commences, même si tu as déjà fait un peu de bateau et que pour les 1ers entraînements on navigue en double (deux personnes à bord), tu as dès le début en tête qu’un jour tu seras tout seul sur ta coque de noix et il faudra tout gérer – le mal de mer ! les voiles, la route, la sécurité, la météo, le sommeil, la nourriture, et j’en oublie ! Quel meilleur moyen d’apprendre que de se lancer ?!
Alors pour découvrir ce monde fou de l’intérieur et m’aider à prendre la décision de me lancer ou non dans l’aventure j’ai parlé autour de moi de mon désir de participer à des entraînements et de faire quelques courses en double sur ce mythique petit bateau de 6.5m. La chance m’a sourie dès le mois de décembre quand un ami qui se lançait à ce moment dans l’aventure cherchait un équipier pour les premiers entrainements et la première course de la saison en double ! Dès le mois de Janvier, j’ai donc rejoint Luc à La Rochelle les week-ends pour découvrir avec lui les joies de la navigation en Mini sur son Ofcet tout neuf ! Waw ! Il y avait des bouts partout – un bout dans le vocabulaire marin ça se prononce « boute » et ça correspond à toutes les cordes qui servent à bord du bateau pour régler les voiles et faire avancer le bateau. Tant de bouts ! Tant de voiles différentes aussi à bord du tout petit voilier ! A peine les pieds posé dans le cockpit – partie arrière du bateau d’où le marin dirige son embarcation – j’avais des questions plein la tête et aussi l’angoisse de ne pas savoir faire. Moi qui croyais savoir faire du bateau, haha, j’allais avoir l’occasion d’en apprendre bien plus que je ne l’imaginais…
La première sortie a été super brouillon parce qu’on découvrait le bateau et les multiples réglages possibles pour faire avancer ce petit bolide des mers. Heureusement notre coach Jean avec sa patience et sa bonne humeur nous suivait en zodiac en nous aidant à observer nos voiles et le flux du vent pour les régler au mieux. Quelle joie de réussir à faire avancer un bateau rien qu’en utilisant et comprenant le vent et la mer ! Une des raisons pour lesquelles j’adore ce sport c’est parce que c’est pour moi l’occasion d’apprendre et de comprendre les forces physiques et les lois de la nature. Et grâce à mon petit cerveau tout cela prend forme très concrètement quand je vois le bateau accélérer parce que j’ai compris quelle forme il fallait donner à la voile pour exploiter au mieux ses capacités !
Après quelques entrainements avec Luc, on a commencé à être un peu mieux rôdés même s’il restait encore un long chemin de progression. Une première sortie de nuit nous a permis de découvrir les contraintes de la navigation de nuit : se repérer précisément, régler des voiles que l’on ne voit pas toujours bien dans l’obscurité, dormir mais pas trop… toutes ces petites choses qu’on ne peut pas vraiment imaginer tant qu’on n’y a pas été confronté.
Et puis est venu le jour de notre première course au large : la Lorient BSM au mois d’avril 2016. 150 milles nautiques – environ 280km – au départ de Lorient direction l’archipel de Glénans à laisser sur bâbord – la gauche sur un bateau – puis descente au sud de l’ile de Groix puis au nord de Belle île en mer avant de remonter vers Lorient. Les conditions étaient assez difficiles pour une première course je l’avoue… 30 nœuds de vent environ – presque 60 km/h – et une mer plutôt formée au début puis très formée pendant la nuit – des creux de près de 3 m à certains moments ! Le départ s’est plutôt bien passé, sous le soleil avec un vent fort et au près – à 35° du vent environ – jusqu’aux Glénans ! Le problème c’est que ces bateaux sont conçus pour planer au portant – avec le vent plutôt venant de derrière – donc ils ne sont pas super rapides en remontant vers le vent et cette allure est donc plus lente et les vagues et le vent viennent de face ce qui n’est pas très confortable à bord…
Quand la nuit est tombée après les Glénans, le vent a forci avec des rafales à plus de 35 nœuds – 70 km/h ! – et la mer s’est creusée. Les débutants que nous étions alors avec Luc ont eu beaucoup de mal à régler les voiles du bateau pour lui donner de la puissance et lui permettre de traverser les grosses vagues qui venaient de trois quart avant et nous ont trempés et ballotés toute la nuit. On a beaucoup dérivé et malgré le changement de la voile d’avant pour réduire la taille des voiles et maintenir le bateau dans la bonne direction on a réalisé au petit matin qu’on avait perdu un nombre considérable de places dans la course et qu’on ne finirait jamais avant la fermeture de la ligne d’arrivée. Fatigués par la nuit mouvementée et n’arrivant pas à faire avancer le bateau comme nous l’aurions voulu, nous avons pris la décision de rentrer à Lorient sans terminer tout le parcours… Si c’était à refaire j’irais jusqu’au bout quitte à ne pas passer la ligne d’arriver à temps. Pourquoi ? Parce que nous n’étions pas en danger, parce que rien n’avait cassé à bord et même si nous enragions de ne pas réussir à aller aussi vite que le bateau aurait dû le permettre, nous avancions tout de même. Nous nous sommes peut-être trop laissés influencés par les abandons successifs de nos amis et concurrents que l’on entendait sur la fréquence radio utilisée pour la course…
A peine arrivés à Lorient, frustré de ne pas avoir réussi à faire avancer le bateau comme il aurait dû avancer, je suis allé voir les équipages qui étaient arrivés en premiers pour leur demander comment ils avaient réglé leurs voiles et leur bateau en général. Ce qui est génial dans la classe Mini, c’est qu’on a beau être concurrents sur l’eau, c’est avant tout une grande famille où l’entraide et le goût de la fête sont une évidence. Les plus expérimentés ont donc pris le temps de m’expliquer comment ils avaient réglé les voiles et pour quelles raisons ; et puis nous sommes allés fêter cette belle course malgré tout, à grand renfort de bières ! J’ai beaucoup appris ce jour-là et je suis extrêmement reconnaissant envers Luc de m’avoir permis de vivre cette première expérience.
Plus tard, à Concarneau, j’ai fait la connaissance des ministes – les p’tits jeunes qui se lancent dans l’aventure Mini – et j’ai pu faire quelques entrainements en double avec certains d’entre eux dans la baie de Concarneau. Même si je n’avais pas de bateau je voulais profiter de cette année pour m’immerger dans la vie d’un ministe et j’ai donc aussi suivi les entrainements sportifs avec le Centre d’Entrainement Mini de Concarneau – CEMC. Au programme, coaching sportif, relaxation, sophrologie et course à pied pour garder la forme et appréhender l’aspect mental et psychologique de la course au large en solitaire. Passionnant !
Décidément, même si ce projet me parait une montagne tant au niveau sportif que matériel – trouver l’argent nécessaire, acheter un bateau et le préparer sérieusement – tout ce que j’ai vécu pendant ces quelques mois n’a fait que renforcer mon désir d’essayer moi aussi. Il manquait alors une seule expérience pour m’aider à faire le choix de me lancer : une course longue en Mini, pendant plusieurs jours et nuits, au large, pour découvrir comment je m’en sortirais. En effet, je me demandais comment je réagirais au manque de sommeil, à la vie à bord d’un si petit bateau, à la nourriture lyophilisée pendant plusieurs jours…
Quelle ne fût pas ma joie – et aussi mon appréhension je dois l’avouer – quand Stan, un bon ami du CEMC m’a appelé un jour pour me proposer de participer avec lui à la Mini Fastnet au mois de juin ! – une course en double depuis Douarnenez en Bretagne jusqu’au phare du Fastnet en Irlande et retour sur Douarnenez.
Mais ceci est une autre histoire…
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